Quelle origine pour le nom “La Bresse”

“La rentrée étant faite, nous reprenons le cours de nos publications mensuelles. Aujourd’hui, nous nous pencherons sur les origines possibles de la dénomination de notre village “La Bresse”, telles que les ont esquissées les érudits locaux”.

La dénomination « La Bresse », sous l’orthographe « La Brace » apparaît pour la première fois à la fin du 13ème siècle dans le testament d’Agnès de Salm, abbesse de Remiremont, décédée le 15 janvier 1279. Mais le seul texte fondateur connu à ce jour reste une lettre du Duc de Lorraine Ferri III datée du mois de mai 1285, dans laquelle il cède en fief au Seigneur Conrad Wernher de Hattstatt « …la moitié du village de La Bresce qui est situé de l’autre côté de Cornimont et de son ban… ». Ce texte rapporté par Jean, abbé de Munster, mentionne également que précédemment, ce territoire était donné en fief à un seigneur de Saint Amarin. L’histoire originelle de La Bresse étant un autre propos, nous nous limiterons aujourd’hui à cerner d’où peut bien provenir cette dénomination de La Bresse.

Au 18ème siècle, Dom Augustin CALMET (1672-1757), célèbre moine érudit et abbé de l’Abbaye de Senones de 1728 à 1757, tire le mot Bresse de “brixia” ou “bressia” venant du gaulois “bruxia” = bois, broussailles ; ou encore de “brix”, “brissia” signifiant rupture, brèche. Marc GEORGEL dans son ouvrage « Toponymie des noms de lieux-dits de l’arrondissement de Remiremont » mentionne que “Bresse” ou “Brosse”, tiré d’un substantif gaulois “bracta” devenu “bractia” puis “brassia”, peut également désigner d’anciens lieux couverts de broussailles et qui ont été défrichés et livrés à la culture.

 Quelles qu’en soient les subtilités étymologiques, l’origine que l’on pourrait qualifier de “scientifique” du nom LA BRESSE, serait donc liée à la notion de bois et broussailles, que l’on a défrichés et mis en culture.

              Peut-être moins fondée étymologiquement, mais plus sympathique et plus “sentimentale”, est l’origine qui a la faveur, avec des nuances toutefois, des auteurs locaux. LA BRESSE tirerait son nom du mot “l’embrasse”, (“l’ébresse” en patois), que forment les ruisseaux de la vallée du Chajoux et de la vallée de Vologne, autour de la montagne de Moyenmont. Cette origine semble retenue dans le rapport établi vers 1865 par l’archiviste L. DUHAMEL (Inventaire des archives de La Bresse antérieures à 1790 – série FF.35) qui mentionne “un extrait des registres du temporel (= biens immobiliers ; ndlr) des paroisses dans lequel il est dit que le nom de La Bresse tire son étymologie d’une fontaine située à la Grande Basse, lieu de La Bresse, qui se sépare ou se divise pour donner naissance à deux ruisseaux qui embrassent une montagne dite de Moyemont au pied de laquelle est le village de La Bresse”. Grammaticalement, on pourra ergoter sur l’élision de l’article (l’ devenant la) ou sur les erreurs de transcriptions des copistes, mais le sens est bien là……

Le chanoine HINGRE, auteur de la monographie et grammaire du Patois de La Bresse, et du dictionnaire de ce patois, rejoint l’origine évoquée par DUHAMEL, mais en étant « moins gourmand » géographiquement. Dans le bulletin de la Sté philomatique vosgienne paru en 1904, il donne les éléments suivants à propos de « Lai Bresse » : « anciennement on disait Lai
Brasse ou Brace, du vieux français Brasse, Brace = les deux bras étendus en avant, l’entre deux bras ».

Pour Hingre, point n’est donc besoin d’enserrer la montagne de Moyenmont de Grande Basse au Pont des Champions : il suffit que la vallée principale où coule la Moselotte et où se trouve le hameau d’habitations, soit prolongée vers l’amont par les deux vallées secondaires du Chajoux et de Vologne. Au blason de la ville de LA BRESSE, c’est ce que symbolise le « pairle, de gueules », soit la pièce en forme de Y de couleur rouge. La vision de ce « Y » formé par les deux vallées est peut-être aussi celle que les moines des origines eurent de cet endroit en arrivant du monastère du Saint Mont par les Hauts du Raindé pour se rendre au monastère du Val St Grégoire (Munster).

A ces versions, on peut en ajouter une troisième évoquée par Jean-Pierre GEHIN dans son ouvrage « Rencontres aux sommets ». Lors des premières incursions de chasseurs ou de forestiers, (dans la première moitié du 9ème siècle, Charlemagne puis son fils Louis séjournaient régulièrement à l’abbaye de Remiremont pour s’adonner à la chasse dans les forêts des vallées vosgiennes) la vallée de La Bresse n’avait pas la configuration actuelle ; la Moselotte s’éparpillait sur tous les endroits plans, formant, au gré des crues, pluies ou barrages naturels, des ilots de terres ou clairières plus ou moins boisés enserrés entre des bras de ruisseaux. Ces “brassiées” en patois, “braciées” en vieux français, ont très bien pu donner “les brasses” ou “lai brasse”.

Entre ces différentes origines possibles, gardons-nous bien de trancher : ainsi la question pourra encore nourrir longtemps les discussions entre passionnés, peut-être pas d’étymologie ou de toponymie, mais sûrement de ce petit coin de la montagne vosgienne que nous apprécions….

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